Pour écrire l'histoire de notre pays, il est nécessaire de lever les zones d'ombre qui entourent de grands événements en déclassifiant certains documents.
Les journalistes, les parlementaires et les citoyens sont trop souvent confrontés au devoir de réserve des fonctionnaires, au secret d'Etat, au secret défense et au secret judiciaire.
Depuis avril 2004, plus de 3500 journalistes de toutes les rédactions de France, des parlementaires, des éditeurs, des juristes, des représentants de la société civile ont signé l'appel à une modification de la loi en faveur d'un accès plus libre à l'information. Appel rendu public par Libération le 1er avril 2004.
Pourquoi une loi ?
Aux Etats-Unis et dans les pays scandinaves, la transparence fait loi, et le secret exception.
Votée en en 1966 aux Etats-Unis, la « Freedom of Information Act » (loi de liberté de l'information), oblige toute administration, même la plus sensible, à fournir au public l'accès aux documents, sous réserve de neuf exceptions qui devront être correctement motivées.
Les administrations, le FBI, la CIA, se réservent ainsi le droit de censurer les informations considérées comme préjudiciables à la sécurité nationale.
En France, nous sommes aujourd'hui loin de ce dispositif. Une loi votée en 1978 permet théoriquement l'accès aux documents administratifs auprès de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs).
En réalité, elle est rarement utilisée. Tous les documents administratifs sensibles sont systématiquement classés « confidentiel défense ». Dès qu'un document mentionne une identité, il est rendu inaccessible.
La moitié des demandes sont refusées. Saisie 4.845 fois en 2004, la CADA a rendu 47,9% d’avis favorables, suivis à 72,6% par l’administration.
La veuve du juge Bernard Borrel, un magistrat français assassiné en 1995 à Djibouti, ne parvient pas à connaître les raisons de la mort de son mari ; après une campagne médiatique (notamment l’enquête du magazine 90 MINUTES sur CANAL+) et des injonctions judiciaires, le ministre de la Défense vient seulement d’accepter de lever le secret défense sur certains volets du dossier.
En 1997, deux archivistes ayant révélé les noms des Algériens tués par la police française lors d’une manifestation à Paris, le 17 octobre 1961, ont été « mis au placard » par leur administration. D’autres affaires, anciennes ou récentes (enlèvement de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1965, retombées en France du nuage de Tchernobyl…) pourraient ainsi être éclairées, sans parler de tracas subis par des citoyens plus anonymes.
Il peut sembler naïf de s'attaquer à notre tradition d'opacité étatique.
Mais nous pensons qu'en matière d'information, aligner le droit français sur le droit américain et scandinave irait dans le sens d'une plus grande modernité démocratique.
La fermeture de l'accès aux sources d'informations livre encore plus les journalistes aux manipulateurs. Il nous paraît urgent d'établir des règles du jeu plus ouvertes.
En cette époque de défiance vis-à-vis du politique, nous jugeons primordial d'offrir enfin en France, un mécanisme de contre-pouvoir citoyen visant à un accès plus libre à l'information.